LES FORGERONS


Heureusement cela n’effrayait pas tous les villageois et, de cette force diabolique de la rivière et de la noirceur et la dureté de la pierre, les forgerons arrivèrent fort heureusement à en faire des trésors. Les hommes étaient forts, comme sortis de romans de George Sand!!! Ils produisaient, la plupart du temps, des couteaux et outils tranchants, et cela arrangeait fort Thor car "qui saurait mieux fabriquer un bouclier en fer que les producteurs de couteau tranchants eux-mêmes?!" Ils étaient les seuls à pouvoir transpercer le bouclier et pourraient ainsi le solidifier avec leur connaissance et leur savoir-faire! Thor connaissait les besoins en ustensiles et matériaux pour forger : haches, fers de lance et flèches, couteaux et clous. De là où il venait, s’il était impossible de trouver du fer pur, ils le fabriquaient eux-mêmes, en prétraitant du minerai. Ici, en revanche, ils utilisaient cette roche noire ithyphallique que le dragon ne connaissait pas. Dans cet univers infernal, les habitants de Thiers étaient maîtres dans l’art de la fonte, des génies dans des conditions d´enfer. Ils vivaient cloîtrés entre des fours incandescents, des découpoirs mécaniques, des étaux limeurs, et autant de marteaux pilons à planche et de martinets à ressort assourdissants. Rougeoiement de la fournaise, chaleur intense, bruit fracassant, membres happés par des courroies, mains coupées par des machines, corps broyés par l’éclatement des meules se rajoutaient aux fatigues des conditions du travail parcellisé. Des ouvriers, des femmes et des enfants, qui n´étaient plus détenteurs des outils de leurs productions, s’activaient heure après heure, et journée après journée, dans des bâtisses devenues effrayantes. Une situation qui faisait dire aux ouvriers que même le diable ne voudrait pas habiter ici. Mais ces habitants étaient fiers et ils en sortaient des merveilles et, au bout d’un an de travail, l’énorme bouclier qui agirait comme écorce d´Yggdrasil, était terminé. Il luisait aux rayons du soleil qu´il n´avait jamais vu auparavant étant caché dans les usines, exposé à la seule source de lumière et de chaleur des feux des forgerons thiernois.