LE PROCEDE

Ce qui m´intéressait pour commencer, quand je réfléchissais au projet que je voulais faire pour Le Creux de l´Enfer, etait la question de ce qui nous amène à nous installer quelque part, par exemple à Thiers. Cela peut être par besoin économique, par amour d´une personne, par amour d´un lieu/ d´une région/ ou d´une ville, par necessité ou encore pour une toute autre raison.. Mais au lieu de faire des interviews ou un reportage/documentaire qui poserait directement des questions qui pourraient être liées au sujet (“Quand et comment êtes vous venu à Thiers?”), je voulais procèder plus indirectement afin de pouvoir en faire ressortir quelque chose d´universel et qui relate à l´humain. Des choses qui pourraient être comparées à tant d´autres petites villes en Europe. J´ai donc posé aux participants, des questions en fonction de ce dont j´avais déjà parlé avec eux ou en fonction de leurs intérêts ou occupations. Je leur ai aussi demandé de me fournir des éléments visuels qu´ils choisiraient librement. Finalement je leur ai demandé une anecdote, histoire réelle ou fictive ou un mélange qui ai un rapport à Thiers.

Ce qui m´importe, dans ce projet, est d´en faire sortir un ressentiment ou une atmosphère pour comprendre ces personnes et lieux dont je m´intéresse. Faire des portraits indirects de lieux et de personages. J´essaye de me rapprocher des personnes que je contacte de leur manière ou du moins d´une manière qui pourrait les emballer aussi. C´est cela que je trouve intéressant afin d´ouvrir les yeux à des histoires de migration qui existent autour de nous et afin de créer des choses qui intéressent les personnes participant au projet ainsi que les spectateurs étants éxterieurs à la ville en question.

 

LE SUPPORT INTERNET

Le projet est fait directement sur le lieu avec les personnes participants au projet, mais c´est aussi un contact presque journalier pendant une période par mail et téléphone. Le projet final existe sur Internet pour plusieurs raisons. Le projet existera dans le temps et géographiquement après l´exposition. De même, il pourra s´établir un échange de commentaires et de compléments durant l´exposition. Puisque c´est un projet qui concerne des gens et une ville en particulier, je pense que c´est important que cela continue à vivre via un forum.

 

LES PERSONNES

Les 6 participants ont pour 4 d´entre eux des origines étrangères. Une des personnes est de pure souche de Thiers depuis 4 générations. Ces personnes ont toutes adopté la ville et Thiers les a adoptés.

 

LES SUJETS

Les sujets abordés se sont décidés au fur et à mesure de l´avancée du projet, avec les personnes du projet et par rapport au lieu et à ses habitants. Surtout je voulais faire ressortir des définitions de réalités des personnes de cette ville (la réalité politique, sociale, culturelle, etc). C´est ce qui devient intéressant pour des gens extérieurs à ces villes.

 

SOUS-TITRAGE

Le sous-titrage des vidéos et des fichiers avec du son seront sous-titrés très prochainement afin de faciliter la compréhension quand le son n´est pas parfait.

 

CARTEL DE L´ EXPOSITION

Thiers terre d’accueil
Thiers terre d’accueil est un projet qui prend pour forme final un site internet. Il s’agit d’un projet in situ et pourtant diffusable à l’infini.
Qu’est-ce qui définit l’identité d’une ville et de ses habitants ? Anne-Sophie Bosc a interrogé pour ce projet une petite dizaine d’habitants de la ville de Thiers. Les différents entretiens ont été menés sans protocole mais l’artiste a demandé à chacun de ces habitants de livrer des anecdotes et des images. Certains de ses habitants ne sont pas nés à Thiers et sont arrivés là par différents biais. Ils ont tous des parcours différents. D’autres sont natifs de la ville.
Il s’agit pour l’artiste de « nous faire réfléchir à la question de ce qui nous amène à nous installer quelque part, et par exemple à Thiers ». Le site renvoie à ces anecdotes et histoires qui tracent en creux un portrait de la ville, de sa réalité sociale, politique et culturelle. Il s’agit d’une introduction à la ville, qui s’adresse aux visiteurs mais aussi à l’artiste elle-même : « C’est ma manière d’essayer de connaître une ville sans être touriste » explique-t-elle. Thiers terre d’accueil est donc une alternative à la fois plus subjective et plus fragmentée au discours officiel des sites de l’office de tourisme. Loin d’un travail strictement documentaire, ou sociologique, Anne-Sophie Bosc a souhaité proposer quelque chose entre la fiction et le réel, un mélange d’images, dessins, collages, textes, anecdotes, mythes.
En gommant les signes du réel, l’artiste souhaite faire de cette ville le point de départ d’un questionnement plus vaste sur la réalité sociale des petites villes européennes. Les chassés croisés entre le réel et la fiction, le rapport spécifique à la ville et son traitement générique élargissent donc les possibilités de lecture de ces pages.
Un forum de discussion permettra pendant toute la durée de l’exposition, et même après, de prolonger ce dialogue entamé par l’artiste avec les habitants et de l’élargir possiblement à toute la communauté des habitants de la ville de Thiers.
Thiers terre d’accueil est le premier épisode d´un projet série d´autres projets liés à des villes en Europe.
(Jill Gasparina, 2010)

 

TEXTE DE LA CRITIQUE D´ ART JILL GASPARINA

« Comment parler de mythologie en même temps que d’une réalité socio-politique ? » se demande constamment Anne-Sophie Bosc à propos de son travail qui se déploie essentiellement dans le médium de la vidéo, et dans la création de sites internet. Si elle aborde ces questions politiques graves que sont nos origines géographiques et sociales, le déplacement et la migration en Europe, elle le fait dans des formes qui n’ont rien d’une entreprise documentaire ni même d’une enquête sociologique. Elle a choisi de créer plutôt dans l’espace entre le réel et la fiction : elle travaille dans les formes de l’incertitude.
Elle privilégie ainsi les récits fragmentaires, les collages, ou encore les associations d’images ou de courtes séquences dont le sens n’est jamais démonstratif ou didactique. « Je ne veux pas me taire sur certaines choses que je vois. Et l’on voit bien quelle est ma position. Pour autant, je ne suis pas une activiste » explique-t-elle à propos de Freeflight-on, un projet de site qui raconte de manière éclatée, phrase par phrase, l’histoire de clandestins ramenés de force à la frontière. On peut y lire par exemple ces phrases : « Mme est enceinte de deux mois », « France le 15 mars 2008 avec son fils », « me présenter aux services de la préfecture tous les 15 jours » « L.741.4 alinéa 1 du code de l’entrée et du séjour ». On ignore qui parle, les phrases sont incomplètes, les référents sont volontairement effacés. Pourtant l’objet du site est très clair, et la présence d’un nombre dans chaque phrase permet rapidement de comprendre que l’artiste évoque la gestion statistique des populations ainsi que les quotas d’immigration et de reconduite à la frontière. De la même manière, dans Le bateau partira, elle ne donne accès que progressivement au contenu d’un mail qui évoque le départ forcé d’un immigré clandestin dans la ville de Sète. Le mail est authentique, mais l’artiste a gommé le nom du destinataire ainsi que celui de l’envoyeur. Même procédé encore dans Jeux-tu-il, où un texte -enchâssé entre des cadres qui reprennent des coupures de presse en rapport avec la question de l’identité- est l’objet de modifications pronominales que le visiteur active. Le texte raconte l’histoire d’une personne non-identifiée dans un centre de rétention. Chaque clic modifie le rapport du lecteur au récit, puisqu’il est tantôt ce « tu » auquel le texte s’adresse, tantôt un personnage extérieur.
Par delà l’effet d’écho à une actualité problématique, avec le lancement en France d’un débat plus que discutable sur « l’identité nationale », le travail de cette jeune artiste cherche donc à produire un analogon de l’espace public, un lieu qui génère de la discussion, de l’échange et de la compréhension mutuelle. C’est même précisément l’objectif de son plus récent projet Thiers-Terre D’accueil pour lequel elle a interrogé plusieurs habitants de la ville de Thiers sur leur appartenance à la ville et lancé une plate-forme d’échange autour de cette question, utilisable par toute la communauté des habitants de la ville.
De ce point de vue, le rapport entre les thématiques de travail et le choix d’un travail accessible sur internet est d’une grande pertinence. Bien évidemment, Anne-Sophie Bosc, qui a des origines danoises, sait que « l’idée qu’un site internet puisse être considéré comme une œuvre d’art est moins acceptée en France qu’au Danemark ». Faire œuvre sur ce médium est donc important pour permettre une reconnaissance d’internet comme lieu d’expression artistique. Mais au delà de ces problématiques internes au monde de l’art, internet permet de faire circuler efficacement l’information, et de générer du dialogue. Anne-Sophie Bosc cherche ainsi à redonner son sens premier au terme « forum », la place où les romains se réunissaient pour marchander, mais aussi discuter des affaires de la cité.
Pourquoi privilégie-t-elle alors ce rapport oblique, et presque onirique au réel ? Peut-être parce qu’elle s’intéresse à la possibilité de tenir un discours universel. Plus qu’à un cas spécifique, elle veut donner accès à des phénomènes plus larges. En supprimant de manière systématique les référents de ses histoires, elle leur confère une dimension plus générique, voire exemplaire. Mais si ses œuvres commencent par se déployer dans un espace sans référent, flottant et propice au rêve, c’est aussi parce qu’elle est attachée à la possibilité d’un voyage mental opéré à travers son œuvre. Et puis l’envers est symptomatique de cette démarche. Ce « portrait indirect d’un homme et d’un lieu », comme elle le décrit elle-même fonctionne à deux niveaux. L’artiste se penche spécifiquement sur un lieu et une personne précise, dont nous découvrons l’intimité et les souvenirs. Mais cette vidéo est aussi le point de départ d’une rêverie, et d’un voyage mental qui appartient à chaque visiteur.
A la manière de Brian Eno qui proposait avec la musique ambient deux niveaux de réception possible, une audition attentive et une autre plus distraite et flottante, cette jeune artiste cherche aujourd’hui à réconcilier, dans ses thématiques de travail comme dans les médiums qu’elle utilise et les atmosphères qu’elle crée, deux formes artistiques trop souvent étanches : il s’agit de produire un art qui serait aussi onirique qu’engagé socio-politiquement. La tentative est peut-être risquée mais elle est très ambitieuse.

 

CONTACT

Anne Sophie Bosc

www.annesophiebosc.com

as.bosc@gmail.com

   
 
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